Comprendre le stress et l'apprivoiser au quotidien

Magali MORENO, Septembre 2018

Qu'est-ce que le stress ?

 Comprendre les mécanismes du stress permet de mieux comprendre qu'il n’est pas une fatalité et qu’il existe des actions simples et efficaces à mettre en place par soi-même pour mieux le vivre au quotidien.

Le stress : une réaction biologique universelle

Depuis la nuit des temps, les organismes vivants sont programmés pour réagir face aux menaces de l’environnement. L’enjeu est important : cette capacité à s’adapter face aux modifications et aux dangers externes contribue à la sécurité et donc à la survie. Ce sont les individus qui ont le mieux développé cette capacité qui ont assuré la reproduction de leur espèce.

Ces réactions de l’organisme lorsqu’il est soumis à des contraintes ou à une agression ont été décrites pour la première fois dans les années 20 par un médecin, H. SELYES. Il parlait alors du « Syndrome General d’Adaptation ».

Avec cette première lecture, la compréhension du stress est physiologique. C’est donc dans le corps que ça se passerait ? Essayons de comprendre…

 

LA PHASE D'ALARME

Lorsque l’individu est soumis à une perturbation (un danger, une contrainte…), le corps réagit immédiatement. La scène est d’abord perçue par nos organes sensoriels (nous voyons un accident, nous sentons une odeur de fumée inhabituelle, nous entendons un cri, nous sentons le sol se dérober sous nos pieds…). Le système nerveux central interprète ces signaux comme un danger et ordonne la sécrétion d’hormones par les glandes surrénales. Parmi elles, une hormone que nous connaissons bien : l’adrénaline. Ces hormones libérées dans le corps activent de manière très rapide nos fonctions respiratoires et sanguines. Ça y est, nous avons le cœur qui bat et le souffle qui s’accélère ! La pression sanguine augmente ainsi que notre température corporelle. Notre vigilance s’accroît. Toutes ces modifications visent à augmenter l’apport d’énergie à tous organes qui vont être sollicités pour réagir à la situation.

Grâce à cette réaction en chaîne, très rapide, nous sommes capables de fournir de véritables performances physiques, et intellectuelles, pour nous extraire efficacement de situations ! Nous pouvons donc parler de « bon stress ».

 

LA PHASE DE RESISTANCE

Lorsque l’exposition à la situation stressante se répète et se prolonge, les réactions hormonales se modifient pour permettre l’entrée dans la phase de résistance. L’organisme a besoin de réguler ses apports énergétiques, notamment en sucre, pour permettre aux organes (cœur, cerveau, muscles) de passer en mode « endurance ». Les glucocorticoïdes rentrent alors en jeu. A ce stade, les deux systèmes, nerveux et hormonal, dialoguent harmonieusement et autorégulent les apports en sucre. Lorsque le corps a besoin d’énergie, on lui en apporte. Lorsque le niveau est atteint, on stoppe les apports.

 

LA PHASE D'EPUISEMENT

C’est dans la troisième phase, dite d’épuisement, que les difficultés se présentent réellement et que l’on commence à parler de « mauvais stress ». L’exposition aux situations contraignantes se prolonge trop, trop fréquemment, trop intensément. La capacité d’autorégulation des hormones ne suffit plus. L’organisme est débordé, submergé par la stimulation hormonale. Les fonctions sont constamment suractivées. A ce stade, la fatigue s’installe et, si on ne modifie pas la situation, un troisième système, le système immunitaire se trouve affecté. Les effets sur la santé commencent à apparaître.

Le stress : un mecanisme psychologique individuel

 Avec ces explications, nous commençons à y voir un peu plus clair. Pourtant, il semble que cette description biologique ne soit pas suffisante pour tout comprendre du stress.

Epictète (philosophe grec) ne disait-il pas « ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les évènements mais l’idée qu’ils se font des évènements » ?

Observons autour de nous : tout le monde réagit-il de la même manière face à une même situation stressante ? Non !

Alors, si le stress est une réaction universelle, commune à tous les êtres vivants, qu’est-ce qui pourrait bien expliquer ces variations interindividuelles ?

C’est dans une deuxième lecture, psychologique, du stress que nous allons retrouver les éléments pour comprendre.

Lorsque nous sommes confrontés à un stress, nous réalisons, sans même nous en rendre compte, une double évaluation de la situation. Nous estimons d’abord le niveau de menace présent dans la situation. Plus la situation est nouvelle, imprévue, plus elle met en jeu l’image de que je donne à mon entourage, plus la situation sera considérée comme risquée.

Dans un second temps, nous pesons les ressources, les moyens, à notre disposition pour gérer la situation.

C’est cette double évaluation qui va contribuer à façonner une image plus ou moins stressante de la situation.

La tendance naturelle est de surestimer les menaces et de sous-estimer les ressources. Bizarre, non ?

 

Prenons un petit exemple :

Un manager propose à deux de ses collaborateurs de travailler sur un nouveau projet pour lequel ils n’ont a priori aucune expérience.

Le premier se dit : « Je n’ai jamais fait ça, je n’ai pas la capacité. Je ne saurai pas par quel bout prendre les choses. » (Ressources : 0/10). « Si je n’y arrive pas, je risque de me faire mal voir et il y aura des conséquences sur ma carrière. » (menace : 10/10).

Le second n’a pas la même vision des choses : « Je n’ai pas l’expérience mais je pourrais toujours m’appuyer sur mes connaissances ainsi que sur mon entourage professionnel pour m’aiguiller. Si on me propose ce projet, c’est que l’on voit en moi le potentiel de réussite. » (Ressources : 10/10). « Cette proposition est une véritable opportunité pour progresser. Au pire, j’en serai au même stade qu’aujourd’hui. Au mieux, j’aurai fait mes preuves et gagné la confiance de mon responsable » (menace = 0/10).

Nous voyons dans cet exemple que les représentations des deux collaborateurs sont très différentes. Essayons de deviner lequel des deux est le plus stressé par cette proposition ? Facile…

 

Mais qu’est-ce nous prédispose à réagir comme le premier collaborateur ou plutôt comme le second ?

Plusieurs théories sont avancées : hérédité, éducation, expériences de vie, psychanalyse,... En réalité, il est difficile de déterminer précisément une cause unique.

Dans tous les cas, il reste seulement à conclure qu’il est impossible de vivre sans stress. Voyons donc plutôt comment l’apprivoiser au quotidien.

Apprivoiser le stress au quotidien

 Voici quelques conseils facilement applicables au quotidien pour mieux le gérer.

 

RECONNAITRE SON STRESS

Pour pouvoir agir concrètement, il faut d’abord faire son autodiagnostic.

Repérer les symptômes. Plus les symptômes sont reconnus tôt, plus il sera aisé de trouver des solutions !

•       Stade 1 : symptômes digestifs, respiratoires, vasculaires, musculaires (diarrhées, constipation, maux de tête, douleurs dorsales, brûlures d’estomac, souffle court, tensions musculaires…)

•       Stade 2 : symptômes émotionnels (irritabilité, anxiété, baisse de l’estime de soi…) et psychologiques (ruminations, pertes de mémoire, surcharge mentale, impression d’avoir la tête vide…)

•       Stade 3 : problèmes de santé plus sérieux nécessitant une prise en charge médicale/psychologique (maladies cardio-vasculaires graves, ulcères, épuisement physique, insomnies, dépression, burn-out…)

 

Si vous vous reconnaissez dans les symptômes du stress, analysez-le. Observez son stress permet de l’accepter et d’en cerner les causes.

•       S’agit-il d’un stress perçu de façon chronique ou en réaction à des évènements particuliers.

•       Est-il plus présent le matin ou le soir ? Un jour particulier de la semaine ? A des saisons particulières ?

•       Qu’est-ce qui se présente à moi lorsque je ressens ce stress (dans mon corps, dans mes pensées, émotionnellement) ?

•       Quelle en est l’intensité ? Varie-t-elle ?

•       Que fais-je déjà pour le réduire ?

 

ACCEPTER D'ÊTRE STRESSER

Nier la situation n’a jamais permis d’avancer. L’accepter nous encourage à agir pour trouver des solutions et pour mieux vivre avec. C’est la clé du mieux-être !

 

FAVORISER UNE MEILLEURE HYGIENE DE VIE

C’est une évidence, l’hygiène de vie est le socle d’une meilleure santé physique et psychologique. Un corps sain et un esprit sain !

 

- Manger sainement, varié et équilibré

Les carences sont un stress pour le corps car elles entraînent des dysfonctionnements. Le corps doit alors faire face pour compenser.

Par ailleurs, certains aliments sont de vrais trésors pour notre moral.

Par exemple, nous savons que le chocolat et les bananes contiennent de la vitamine B6, précurseur de la sérotonine (neurotransmetteur associé à un bonheur durable et à la gestion de la douleur).

 

- S’exposer à la lumière

La lumière contribue à la synthèse de la vitamine D qui contribue à synchroniser le rythme biologique, réguler le sommeil, stimuler les hormones et la sérotonine (encore elle !).

Respecter son rythme biologique et inscrire une régularité dans nos horaires (repas, couché)

Avez-vous déjà été perturbé par le changement d’heure ? Par un repas oublié ? Et oui, l’organisme apprécie le respect de son petit train-train.

 

- Pratiquer une activité physique (30 à 45 minutes) plusieurs fois par semaine

Le sport développe la résistance. Il nous apprend à réguler nos fonctions respiratoires, sanguines, immunitaires, justement les mêmes que celles impliquées dans le stress. Il participe à la régulation des hormones. Au-delà de son action sur le corps, il permet de nous vider la tête, de retrouver un apaisement mental et de nouer des relations sociales enrichissantes.

 

- Limiter les excitants (café, tabac, alcool)

 « Je suis fatigué d’avoir bossé sur ce dossier depuis une heure ! Ça te dit de venir prendre un petit café avec moi pour faire une pause ? »

En réalité, ces substances sont nos pires ennemis. Elles créent, certes, un sentiment de détente immédiat mais provoquent une accélération de notre rythme interne (accélération du rythme cardiaque, augmentation de la pression sanguine…). Que de messages contradictoires adressés à notre cerveau qui, en définitive, éprouve des difficultés à différencier l’excitation et la détente !

De plus, elles créent une dépendance contre-productive. Quel stress pour un fumeur que de terminer son paquet à 10h et devoir attendre 17h avant de pouvoir en acheter un nouveau !

 

- Faire des pauses le plus souvent possible

Et pas cette fameuse pause-café/clope qu’il faut limiter ! Une vraie pause, même courte, consacrée à une activité plaisante (écouter un morceau de musique, lire quelques pages d’un livre, faire quelques lignes de tricot, passer un appel à une personne appréciée…)

Voilà, avec ces premiers conseils, nous avons posé les bases, nécessaires mais pas suffisantes ! Que pouvons-nous faire d’autre ?

 

RENFORCER LE LIEN SOCIAL

Le bonheur, c’est les autres. Mais encore ?

Le conseil qui vous est donné ici est de rompre définitivement avec l’isolement et de se rapprocher de son entourage familial, amical, professionnel.

Le bénéfice est vraiment direct et à plusieurs niveaux !

Les échanges tendres, tactiles, avec notre entourage intime stimulent la production d’ocytocine (encore une hormone du bonheur !). Faites des bisous, des accolades, des câlins !

Notre entourage va également nous apporter un soutien efficace qui nous permettra d’évaluer différemment les situations :

- Un soutien informatif : La discussion avec d’autres personnes nous pousse à nous décentrer, à voir les choses sous un angle différent. Elle participe efficacement à modifier la façon dont nous évaluons les situations. Elle permet de relativiser, de dédramatiser. De plus, les autres possèdent des informations qu’ils sont souvent prêts à partager avec nous.

Vous ne savez pas à quel service de la mairie il faut s’adresser pour la cantine de votre fils. Demandez à la maman de son meilleur copain, elle saura peut-être vous aiguiller !

- Un soutien matériel/logistique : c’est fréquemment auprès de son entourage proche, personnel ou professionnel, que l’on trouve la solution à des problèmes logistiques qui nous gâchent la vie.

Sur un chantier, vous avez oublié un outil au magasin. Plutôt que faire un aller-retour qui risque de générer du retard, empruntez celui de votre collègue s’il ne s’en sert pas.

- Un soutien d’estime : nos proches sont les champions pour nous rassurer sur nos compétences, capacités, ressources ! Nous nous sentons plus fort et plus apte à gérer les situations.

 

APPRIVOISER SES EMOTIONS

Nous l’avons compris, le stress entraîne dans son sillage un véritable ensemble de réactions physiques et émotionnelles. Il existe plusieurs techniques dont on peut faire l’apprentissage, seul ou accompagné d’un professionnel.

 

- Apprendre à se relaxer

Quel est le contraire de stresser ? Se détendre bien sûr !

La relaxation envoie des signaux d’apaisement au cerveau. Avec l’entrainement, elle contribue à la régulation des hormones et à la production des neurotransmetteurs impliquées dans le stress. Elle permet de mieux écouter son état interne et d’agir aux premiers signes.

Plusieurs techniques peuvent être évoquées : respiration, sophrologie, méditation, yoga…Elles sont toutes efficaces pour induire un état de relaxation profond, même si elles ne se limitent pas à cela !

Et si vous ne trouvez pas la technique qui vous convient, essayez de réfléchir à ce qui vous fait du bien, à vous, et qui pourrait être intégré facilement dans votre quotidien : lire ? faire des mots croisés ? puzzles ? tricot ? jardinage ? musique ?

 

- Critiquer ses pensées, observer ses émotions

Plutôt que de les ressasser, de les figer, de les repousser, de les nier, prenez plutôt un moment pour regarder ce qu’il se passe.

Décortiquer vos pensées et critiquer réduira les émotions négatives (anxiété, culpabilité, frustration…).

« Je suis coincé dans un bouchon. C’est toujours sur moi que ça tombe. Je vais être en retard, juste aujourd’hui alors que j’ai un dossier important à rendre pour ce soir. Mon patron ne va jamais me croire. Je vais devoir faire des heures supplémentaires pour finir et je devais aller chercher mon fils à la crèche ».

Allons-y critiquons cette cascade de pensées !

« C’est toujours sur moi que ça tombe » : il est probable que d’autres personnes du service soient dans la même situation.

« Je vais être en retard » : pour le moment, on n’en sait rien. Peut-être que le bouchon se termine dans 2 minutes ?

« J’ai un dossier important à rendre pour ce soir ». Est-ce si important, urgent ? Puis-je le décaler ? Vais-je vraiment manquer de temps ? Pourrais-je demander de l’aide ?

« Mon patron ne va jamais me croire ». Peut-on l’avertir par téléphone ? Est-on certain qu’il ne va pas nous croire ? Est-ce que j’arrive tous les jours en retard ?

« Je devais aller chercher mon fils à la crèche ». Peut-on avertir la crèche ? Demander à quelqu’un de prendre le relais ?

Critique terminée : où en sommes-nous de notre anxiété ? N’aurait-elle pas diminué par rapport à toute à l’heure ?

 

- Sourire !

Sourire stimule les endorphines et la sérotonine. Cela favorise la pensée positive. Essayer de sourire et de penser à quelque chose de négatif en même temps : impossible.

 

- Cultiver le lâcher-prise

Arrêter de toujours observer les mêmes problèmes, dans les détails, en les ressassant. Accepter qu’il existe des zones sur lesquelles vous n’avez pas le contrôle et prenez de la distance pour mieux revenir à ce qui est important pour vous.

« Je suis coincée dans un bouchon. Qu’y puis-je ? Je suis partie à l’heure comme d’habitude. C’est à cause d’un accident. » Stresser n’apporte rien à la situation.

 

 

S'ENGAGER DANS L'ACTION ET REPRENDRE LE CONTRÔLE

- Résoudre les difficultés

Le conseil ici est de mettre en place des stratégies pour résoudre vos difficultés quotidiennes. La bonne stratégie est la suivante :

Lister tous les problèmes

Les observer dans leur globalité : contexte, composantes, causes, conséquences

Les hiérarchiser par importance (et non pas par urgence)

Pour chaque problème, fixer un objectif réalisable et atteignable dans le contexte

Envisager les solutions possibles

Choisir celle qui parait la plus adaptée au contexte. Décidez, même si cela est parfois difficile, et tenez-vous à votre décision.

Mettre en œuvre les actions

Evaluer le résultat

 

Recommencer en appliquant la méthode aux nouvelles difficultés !

Cette méthode est le meilleur moyen de reprendre confiance en sa capacité à avancer.

 

- Tirer le meilleur parti de son temps 

La gestion du temps est un important facteur de stress. Le temps file, cela nous submerge. Il reste tant à faire !

Essayez plutôt de modifier votre rapport au temps pour un meilleur équilibre entre travail et plaisir.

Repérer les meilleurs moments pour faire les choses en fonction de votre rythme quotidien. Ne faites pas réviser la poésie de votre enfant, juste avant de partir au travail

Distinguez ce qui est urgent et ce qui est important

Listez les tâches et organisez un planning. Ne surchargez pas le planning, restez réaliste et gardez-y du temps libre !

Reprenez régulièrement cette liste et ce planning pour le réadapter si nécessaire

Anticipez et préparez au maximum

Apprendre à lâcher-prise mais aussi à déléguer, au travail comme en famille !

 

 

- Oser faire, oser demander, oser refuser

Lancer-vous des petits défis régulièrement pour tenter de dépasser les situations quotidiennes qui crée du stress chez vous. Faites-le progressivement bien sûr.

Nous savons que s’exposer aux situations anxiogènes va, sur la durée et la répétition, diminuer notablement les réactions. C’est l’habituation.

Vous mettre en action, créer des expériences, va faire évoluer votre vision des situations. Vous constaterez par vous-même que vous surestimiez le risque et la menace ? Vos réussites vous donneront envie d’aller plus loin. Votre estime de soi s’en trouvera également renforcée.

 

Vous êtes stressé de prendre la parole en public ? Pouvez-vous envisager pour commencer d’échanger quelques mots avec votre voisin de palier lorsque vous le croisez à la boîte aux lettres ? Pouvez-vous vous entraîner à faire vos présentations orales, d’abord seul puis auprès de vos proches ?