La traversée d'une rupture amoureuse

Lorsque nous nous engageons dans une relation amoureuse, nous formulons intérieurement le souhait que cette relation perdure le plus longtemps possible, voire ne se termine jamais.

Pourtant nul ne peut prédire, à son démarrage, comment une relation amoureuse va évoluer, quelles seront ses difficultés ou encore sa durée. Nous prenons donc un grand risque à démarrer une relation amoureuse et l’acceptons pleinement.

Les écueils d’une relation de couple sont pourtant assez nombreux : infidélité, difficultés financières, désaccords éducatifs, usure du quotidien, perte de désir, de confiance, etc. Les statistiques des séparations le confirment : en France, près d’un couple marié sur deux divorce. Il est difficile de calculer cet indicateur sur les couples non mariés. 

Ainsi, oser entrer en amour reviendrait à prendre le risque de devoir en sortir un jour, le jour possible, de la rupture. 

Une rupture de la relation sentimentale peut se présenter sous forme très variée : soudaine ou pressentie depuis des mois, provoquée ou subie, verbalisée clairement, écrite dans un courrier, par un SMS… Elle n'est parfois même pas commentée du tout, l'autre étant tout simplement parti…

Quelque soient les circonstances et la forme de la rupture, elle arrive qu’elle soit vécue comme un véritable coup de tonnerre et conduire la personne quittée vers un état très douloureux et éprouvant.

Témoignage

 « Je ne t’aime plus », « je te quitte », « c’est fini entre nous ».

Ces quelques mots ne sont pas entendables. Le vécu de la perte semblera d’autant plus insurmontable que rien ne laissait présager la rupture.

 « Elle m’a annoncé qu’elle me quittait, comme çà, sans rien dire d’autre. Après tout ce que j’ai fait pour elle, les travaux dans sa maison, les week-ends sans voir mes enfants. J’ai tant sacrifié. Il est impossible qu’elle ne puisse plus m’aimer, c’est trop injuste. Je mérite qu’elle m’aime.

En agissant ainsi, elle me traite comme un chien dont on ne veut plus, laissé au bord de la route.

Quand je pense à elle, à sa manière de m’annoncer les choses. Je ressens une grande violence en moi, je suis terriblement en colère contre elle et surtout contre moi de lui avoir donné tant de choses. Je me reproche d’avoir été si stupide. J’ai envie de tout casser.

En même temps, je me bagarre avec le violent désir de la récupérer malgré ce qu’elle me fait vivre. Je lutte pour ne pas retourner la voir et lui demander ce qu’il faut que je fasse pour que notre relation puisse reprendre.»

Récit d’un patient, 49 ans.

 

Les premiers ressentis décrits sont d’une grande force : l’injustice est insupportable, la violence de l’évènement est infinie, la trahison, la culpabilité, l’humiliation semblent indélébiles… En transversal, on entend que l’estime de soi, c’est-à-dire la valeur que nous nous donnons parce que l’autre nous accorde de la valeur, est profondément blessée. La personne est prise dans une dissonance insoluble entre son envie de ne pas se laisser maltraiter, poussée par le respect qu’elle se porte à elle-même, et la possibilité de modifier attitude ou son comportement pour donner une chance à la relation, niant ainsi ce qui définit son identité.

Le vécu d’une rupture est comparable au vécu d’un profond changement, voire même au vécu d’un deuil. Il est observé que la personne traverse plusieurs phases avant de retrouver un nouvel équilibre de vie.

Décrivons d’abord chacune de ces phases pour aborder quelques conseils qui permettront de les dépasser, les unes après les autres. 

Les phases du deuil amoureux

LA SIDération

Tout ce qui a été construit durant la relation est détruit, anéanti, d’un coup, par un véritable tremblement de terre dévastateur, un tsunami qui ne laisse rien derrière lui.

A ce stade, difficile de comprendre ce qui se passe, ou de se projeter vers une solution ou une vie nouvelle. Il impossible de saisir que ce moment de va pas durer. La personne peut se sentir comme une coquille vide, détachée, inapte à ressentir quoique ce soit. Cette première phase amène assez rapidement les phases suivantes.

LE "MARATHON émOTIONNEL"

Au niveau émotionnel, les ressentis peuvent être violents et hétérogènes d'une personne à l'autre. Les réactions principales se présentent le plus souvent dans le même ordre d’apparition :

  • Déni : la personne refuse de croire que le changement pourrait être définitif. Comme un mantra, la phrase « ce n’est pas possible » tourne sans fin dans les pensées. On attend de l’autre qu’il se fasse une raison et qu’il revienne.
  • Colère : la personne dirige vers l’autre son profond sentiment d’injustice, ainsi que toute la violence ressentie alors. L’autre est perçu comme un monstre insensible.
  • L’angoisse : la peur d’un futur flou et indéterminé se présente, peur de l’inconnu, de manquer, des difficultés à être seul.
  • La tristesse : en comprenant que la perte est bien réelle, la personne développe de la nostalgie, de l’abattement.

Au niveau des symptômes physiques, l’état de stress se manifeste à son extrême. Il est courant de trouver tous les signes habituellement associés au stress : palpitations, agitation, souffle court, oppression dans la poitrine, altération du sommeil, de l’appétit, humeur triste, perte des envies et des intérêts, …

La personne, pour soulager son stress, se tourne alors parfois vers des solutions qui lui paraissent efficaces mais qui en réalité sont délétères et ralentissent sa guérison : alcool, recherche de partenaires sexuels, isolement, développement d'obsessions tournées vers son ex (suivi de ses actions sur les réseaux sociaux par exemple), ...

Conseils :

  • S’efforcer de conserver un rythme de vie sain : alimentation équilibrée, limitation des excitants (café, tabac, …), sport, repos, exposition au soleil
  • Faire l’apprentissage et appliquer des techniques de relaxation pour calmer les réactions de stress et adresser des signaux d’apaisement au cerveau
  • Observer ses émotions, les regarder une par une pour les reconnaître, les laisser émerger, évoluer, en se donnant le temps. Sophrologie, méditations, techniques de respiration aideront à se reconnecter à l’instant présent, à se recentrer sur soi, et à écouter ses émotions pour les laisser exister sans jugement, dans un accueil bienveillant. Ces techniques pourront être reconduites tout au long de la gestion du deuil amoureux, à chaque étape. 

LA DETOX

C’est à ce stade que le manque, la perte, se font douloureusement sentir. 

Les besoins et attentes que l’autre venait remplir rencontrent le vide. L’espoir d’un retour en arrière peut être nourri, ou bien l’engagement dans une nouvelle relation se faire assez rapidement. Dans les deux cas, le souhait est de combler le manque pour en atténuer la souffrance. La préconisation ici est de laisser le temps au cerveau de se défaire de toutes les substances liées au manque et qui explique la souffrance. On parle de "sevrage", comme pour une dépendance à l'alcool ou à la drogue !

Conseils :

  • Dans les premiers temps, éviter les contacts avec la personne, résistez à la grande tentation de la suivre sur les réseaux sociaux 
  • Ecarter de l’environnement les traces de sa présence car elles pourraient rappeler trop souvent le quotidien perdu (jeter la brosse à dent, rendre les livres, les vêtements oubliés)
  • Eviter durant quelques temps les endroits fréquentés ensemble, peut-être les amis communs, pour ne pas rappeler inutilement des souvenirs douloureux. Il sera temps d’y revenir plus tard.
  • Rester attentif aux nouvelles relations qui pourraient se lier à ce stade pour identifier les besoins que cette relation vient combler. Il ne serait juste, ni pour cette nouvelle personne ni pour vous, d’entrer dans une relation uniquement fondée sur le manque. Prendre le temps avant de s’engager de vivre toutes étapes de sa rupture, surtout si l’on sent que c’est encore trop tôt. 
  • S'attacher à s'occuper, en s'orientant vers les activités qui nous plaisent et que l'on maîtrise. L'activité agréable permet de mieux traverser le manque.

L'INTERNALISATION DE LA FAUTE

Le besoin d’analyser l’évolution de la relation pour en comprendre l’échec amène la personne à dresser la liste des causes. Elle se met alors à retourner contre elle la colère d’abord éprouvée à l'encontre de celui qui fait souffrir.

Durant la phase d’internalisation, la personne s’approprie tous les motifs de la rupture et se blâme injustement. Elle identifie comment elle aurait du être, ce qu’elle aurait du faire ou dire… Les regrets sont accablants.

« J’aurais du être plus confiante, moins jalouse », « je suis trop stupide de ne pas avoir réagi », « j’aurais du l’aimer plus, l’écouter plus », « j’aurais pu répondre à tous ses désirs », « je ne méritais pas qu’il ou qu’elle-même », « j’aurais du lui dire plus souvent combien je l’aime ».

Ici, l’estime de soi est détériorée, amenuisée, par ces pensées auto-accusatrices. Cette faille peut amener à l’isolement par peur d’être jugé négativement ou rejeté.

Conseils :

  • Développer l'auto-compassion pour se défaire des croyances injustes et auto-accusatrices et faire taire l’auto-critique. Si l’autre a décidé de mettre fin à la relation, cela n'est pas forcément la faute de quelqu'un. On arrête de retourner contre soi la violence de la rupture.
  • Arrêter de croire que le seul moyen de sortir de la souffrance vécue est que l’autre revienne.
  • Repérer les tentatives de « négociations » que l’on serait tenté de mettre en place. Il s’agit de manœuvres, parfois inconscientes, visant à récupérer l’être cher mais qui sont dévastatrice pour l’estime de soi. « Si tu ne reviens pas, je vais faire une bêtise. », « reviens, et je te promets que tout sera différent ». STOP.
  • Exprimer ce que l’on ressent à ses amis ou familles proches pour ne pas céder à la tentation de s’isoler. Les proches sont un soutien pour l’estime : ils nous rappellent notre valeur inconditionnelle et la place importante occupée auprès d'eux
  • S'attacher à développer des pensées positives pour une estime de soi renforcée et un futur plein d'espoir. En partant, l'autre n'a pas tout emporté avec lui.

L'exploration et la RECONSTRUCTION

Les premières émotions négatives, angoisse, culpabilité, rage, etc., se transforment progressivement en une énergie reconstructrice. Cette transformation est poussée par un réflexe de protection, de survie, pour affronter la baisse d’estime personnelle qui précédait. La personne mobilise cette énergie, cette rage, pour dépasser sa crise d’estime et reconstruire une nouvelle image d’elle-même, acceptable et aimable.

Le processus qui amène à surmonter positivement la rupture s’enclanche. La personne commence à revenir vers son environnement extérieur et à l’investir : changement de coiffure, de décoration, reprise du sport, ou des cours de dessin…

L’acceptation de la réalité se fait progressivement, au fur et à mesure, que la perte est digérée et que l’on accepte de vivre, pendant un temps, avec sa tristesse et sa souffrance.

Avec cette acceptation, la prise de recul sur cet épisode sera enfin possible.

Conseils :

  • Lister ses centres d’intérêt et les réinvestir. Retourner vers les activités que l’on aimait, y prendre du plaisir. Relancer d'anciens projets, réactiver son réseau de connaissances,...
  • Explorer de nouveaux horizons, tenter des choses que l’on n’aurait jamais fait du temps où l’on était en couple, faire des projets de vacances, …
  • Se positionner sur des activités qui vont renforcer la fierté et l’estime de soi : bénévolat, sport, sortie avec les amis, s’offrir un cadeau… 

LA PRISE DE RECUL ET LA SORTIE

La personne est enfin capable de regarder derrière soi, de faire le bilan de l’expérience vécue, et de construire sa nouvelle vie. La paix et l’équilibre est retrouvé.

L’expérience de rupture est évoquée dans ce qu’elle a de positif. En l’observant à distance, en regardant son fonctionnement et sur quoi elle se fondait, sur quelles valeurs elle reposait, il est alors possible d'apprendre à mieux se connaître et à identifier ses attentes pour le futur.

Au travers de ce questionnement, la personne évalue également, de façon plus apaisée, en quoi elle est en partie responsable de la fin de la relation : relations qui ne pouvait s’épanouir, déséquilibre et non réciprocité, usure… 

En repérant ses propres processus, la personne consolide alors une nouvelle identité, repositionne qui elle est et ses besoins. Elle se sent prête pour renouer sereinement avec une vie sociale équilibrée et peut-être s’engager dans de nouvelles relations stables.

Elle est capable de formuler : « Tu m’as quitté mais, aujourd’hui, je te quitte aussi. Si tu revenais, je ne te reprendrais pas ou nous devrions tout reprendre à zéro, comme s’il s’agissait d’une première fois pour nous, car nous ne sommes plus les mêmes. ».

Conseils :

  • Observer sa relation avec recul en se posant des questions profondes : Comment cette relation m’a transformée ? Comment étais-je engagée dans cette relation et était-elle juste pour moi et pour l’autre ? Qu’attends-je de la vie et du couple aujourd’hui, après avoir vécu l’expérience de cette relation ?
  • Faire le bilan des explorations réalisées dans la phase précédente. Qu’est-ce que je veux garder dans ma vie future, qui est important pour moi ?
  • Cultiver le pardon, qui amène l'apaisement, et la gratitude pour ce qui la vie apporte de nouveau, de bénéfique à chaque instant.

Autant de nouvelles richesses qui vont nourrir de nouvelles relations sociales, et peut-être amoureuses…

 

La traversée de ces étapes s'effectue sur une durée plus ou moins longue. Si la situation persiste à ne pas être acceptée, si l’évolution parait bloquée (émotions trop violentes, impossibles à dépasser, …), si la qualité de vie commence à s’altérer (isolement, dépression, perte d’intérêt généralisé, arrêts de travail…), ou si un risque pour la santé se présente (perte importante de poids, ou du sommeil, idées morbides, scénario de vengeance), consultez un professionnel (médecin, psychologue ou thérapeute) qui pourra vous aider dans votre progression.